Paris Brest Paris, par Roland D.

par | 6 Sep 2023

Quelle aventure ! Et pourtant elle était mal partie.

Début juillet, j’emporte mon vélo à l’atelier: demande de révision complète. Il faut changer la cassette, la chaîne et aussi la roue libre, dont la livraison prend une dizaine de jours. Je récupère mon coursier le 10 juillet. Deux ou trois sorties plus tard, la chaîne fait un gros bruit de frottement quand j’appuie; je retourne à l’atelier. « Il faut changer les plateaux » ; une usure qui, paraît-il, ne pouvait pas être décelée en atelier, mais seulement sur la route…

Nouvelle quarantaine le temps de la livraison des plateaux. Je prends ce mal pour un bien en sortant le VTC. Avec Marie-Christine nous partons ensuite faire la p’tite boucle de la Grande Traversée du Jura, dont les bosses s’avéreront une excellente préparation pour la PBP. Un gros gros remerciement pour son soutien et sa patience…

Je récupère mon vélo le 6 août, juste avant la fermeture estivale du magasin. Au bout de trois sorties, ma roue arrière fait un gros bruit de crécelle en libre. J’appelle Pierre le 15 pour avoir son avis. Verdict : ma roue arrière est mortre. Du moins les roulements tournent en carré… Je ne vais jamais pouvoir prendre le départ dans de telles conditions.

Philippe me rejoint le samedi 19 août et nous descendons chez Pierre. Décision est prise de remonter ma cassette neuve sur l’une de ses roues qu’il me prête volontiers. Et ça marche ! Un grand merci Pierre et merci à tous deux pour la main d’oeuvre. J’ai ainsi appris en même temps comment on changeait une cassette.

Entre temps le 18, Jean-Pierre est parti avec Jacky pour retirer sa plaque à Rambouillet et faire modifier l’enregistrement du véhicule d’accompagnement, puisque Jacky et Nicole nous feront l’assistance sur tout le parcours avec la camionnette de J-P.

Le 19 après-midi, c’est à notre tour, Philippe et moi, accompagnés de Pierre, d’aller retirer nos plaques. La foule énorme et les files de véhicules sont impressionnants. On commence à sentir l’importance de l’événnement. Nous récupérons nos dossiers et faisons l’inventaire des sacs. Essai de la tunique ; tout est ok. Mais la tunique, je me suis promis de l’endosser définitivement que si je termine l’épreuve… Le soir, je ramène Pierre chez lui après dîner. Sa main est encore bien douloureuse et il ne s’agit pas de prendre une gamelle dans le sentier descendant.

Le dimanche est consacré à l’équipement des vélos et au listage des affaires à embarquer ou à laisser dans la voiture d’assistance. Philippe et JP embarquent une sacoche de guidon et une sacoche arrière fixée par bras sous la selle + petite sacoche de cadre. Pour l’éclairage, tous les deux ont une roue avant à dynamo. De mon côté, j’équipe mon Lapierre avec une sacoche de selle de 7litres et une petite sacoche de cadre. Pour l’éclairage, mon magasin préféré n’avait pas assez de délai pour l’achat d’une roue dynamo . Ce fut finalement un mal pour un bien car j’ignore combien de fois je ferai des randos la nuit et, j’avais le souci d’être le plus léger possible. J’opte finalement pour des lampes à piles, sur le conseil de GG et de Pierre, qui s’avérera fort judicieux. Outre les kits d’usage de vêtements, de réparation etc. j’emmène un petit matelas auto-gonflant et un oreiller de cou pour les voyages en avion. Un truc qui s’avérera véritablement utile. Le plus compliqué aura été de trouver une selle adaptée. Après en avoir testé trois sans réel satisfaction, je finirai par démonter celle de mon vieux Peugeot Touraine des années 80, la seule qui trouvera grâce à mes yeux et à mon fessier… A midi, Pierre nous rejoint pour déjeuner et nous encourager une dernière fois, vraiment sympa. 15h30 après une petite sieste, Jean-Pierre, Jacky et Nicole arrivent. Retrouvailles, discussions; nous chargeons la voiture d’assistance avec nos affaires de rechange puis le vélo de J-P. Le mien et celui de Philippe rejoignent son trafic. Puis c’est le départ pour Rambouillet, Jacky, Nicole et JP dans sa voiture, moi et Philippe dans la sienne.

A Rambouillet, on commence à voir un premier frisson en cherchant une place… Pas trop longtemps finalement, ouf ! Nous déchargeons les vélos et prenons congé de Jacky et Nicole : rendez-vous demain à Fougères. Restés seuls, nous sommes si peu fébriles que Philippe finit par retourner à sa voiture pour vérifier qu’il l’avait bien fermée… Direction le restaurant pour prendre la dernière collation avant le départ. Il est 19 heures. Les vagues de 250 randonneurs environ démarrent, à raison d’une toutes les demi-heures. Chaque vague a une lettre ; nous en sommes à la lettre P, notre vague étant la S.

19h30 : il est temps de rejoindre la bannière de notre vague au début du long parcours qui nous fera descendre l’allée de l’inspection pour le contrôle du matériel, avant de remonter l’allée des soupirs (si, si) en sens inverse jusqu’à la ligne de départ. Plus d’1 km d’une marche interminable. Au bout de l’allée des soupirs, JP a le plaisir de retrouver son fan club : fille, fils, gendre et petits enfants sont venus encourager Papy. Puis c’est Michel Baillet qui nous fait signe. Ça nous détend vraiment et nous aide à patienter. Dernière marche jsuqu’à l’aire de départ. L’arche de contrôle est à 300 m de l’allée…

Arrive enfin le compte à rebours et puis ça y est, les premiers coups de pédale. Il est 20h30 le 20/08. Je suis tellement tendu et enthousiaste que j’en oublie de déclencher mon GPS. Erreur vite réparée en rejoignant la route à la sortie du parc.

Durant les premiers kilomètres, une voiture pilote précède le peloton pour ne pas dépasser les 30km/h. Le temps est idéal et il n’y a pas de vent ; autant dire que tout le monde a des fourmis…

Enfin, les fauves sont définitivement lâchés ! En route pour Mortagne -au-Perche, 120km. On file à bonne allure en prenant des wagons. Mais dès les premiers kilomètres, je me rends compte qu’il sera très compliqué de rester ensemble sur tout le parcours : la nuit, tous les chats sont gris, surtout avec les mêmes gilets fluo… De fait nous nous perdrons à la première pause technique, tant et si bien que j’arrive à Mortagne en premier à 1h30, alors que je pensais que J-P m’avait devancé. Le temps déposer le vélo et je vais me chercher une saucisse dans du pain, avec une canette de coca. Du coca, je n’en aurai jamais autant bu que sur ce parcours. C’est là que tu te rends compte sa presque vertu médicinale…

Message à Philippe qui arrivera à 10 mn plus tard puis J-P. Philippe veut absolument prendre un plateau dans le gymnase, tandis que J-P reste dehors avec une gamelle qu’il a embarquée. Du coup, je reste avec Phiphi, vu l’avance que nous avions sur notre temps de marche et re-mange un plateau avec lui. Une erreur que nous commettrons trop souvent par la suite.

Nous repartons trop tardivement pour Villaines-La-Juhel. J-P part seul. Je reste avec Philippe. à 15 km du but, il n’avance plus. Besoin impérieux de dormir. Je lui passe mon matelas et une couverture de survie pour 45mn de repos. On arrivera à Villaines-laJuhel à 8h40, pile dans la moyenne de 6h/100km.

Nous entamons la journée du 21/08. Contrôle, café-croissant et c’est reparti avec retard pour Fougères à 90km de là . On y arrive à 15h15 après une belle descente ; 292 km parcourus, il fait 29,5°C. La moyenne de 6h/100km ne tient plus (on aurait du arriver à 14h). On boit comme des écluses.

On repart pour Tinténiac à 61km. Arrrivée à 19h45 où nous attendent Jacky et Nicole. Alors que nous sommes encore dans le rythme de 7h/100km (jusqu’à 21h15 en théorie) nous décidons de faire un break pour récupérer de ces 354km. Mais la douche et le couchage sont à une borne du contrôle. Il faut d’abord faire la queue pour acheter un ticket de douche et de couchage, puis se rendre au gymnase pour se laver et se changer, revenir au point de contrôle pour manger (encore un plateau), puis repartir au gymnase pour dormir 3 heures. Un temps qui ne se rattrapera pas. Jean-Pierre lui repartira une heure plus tôt dans cette deuxième nuit.

Au réveil du 22/08, cap sur Loudéac (82km), non sans avoir au préalable encore bu un café et mangé un peu… A une quinzaine de 15km de l’arrivée, je sens la chute de tension me gagner et résiste pour ne pas nous arrêter. Nous arriverons à Loudéac à 7h25, soit 11h30 pour faire 82km ; 4h de retard sur une allure de 7h/100km…

En comparaison, l’étape suivante de 80km jusqu’à Carhaix sera presque « avalée » en 7 heures, avec un dénivelé en mode « chameau », au point que Philippe me laisse partir seul. Mais avant d’y parvenir, il faut passer à Canihuel, à peu près à mi-parcours de l’étape, pour un contrôle secret. J’y retrouve Jean-Pierre qui me devance de quelques minutes. Je repars avant lui, sans savoir que je ne le reverrai plus. Petite pause rapide à St Nicolas-du-Pelem pour engloutir une galette et un coca. Je prends aussi une banane, une orange et un sandwich pour plus tard. Pas de J-P à l’horizon. Sur le moment, je pense qu’il ne s’est pas arrêté afin de repasser en tête. …. Les bosses s’enchaînent et à midi pile, je fais une pause repas au bord du chemin pour manger mes provisions. J’arrive à Carhaix à 13h15. Pointage rapide et je repars aussitôt pour Brest.

Encore des bosses et des bosses. Je fais le plein de bidons sur la route, tant il fait chaud, auprès de jeunes installés là depuis la veille avec une table de camping pour nous encourager. C’est le côté super convivial de l’épreuve que de voir tous ces gens au bord de la route. Rien que pour ça, l’aventure vaut le détour. Plus loin, il faut m’arrêter pour sommeiller un quart d’heure et éviter de rouler en zig-zag. Puis la récompense s’affiche enfin avec la splendide traversée des monts d’Arrée avant d’entamer la descente sur Brest d’une vingtaine de km. Un cycliste m’accompagne à l’entrée des faubourgs jusqu’à l’arrivée en me prévenant qu’il y a encore une longue bosse de 3km avant de basculer définitivement. Je l’avale au taquet, pas déçu, trop content d’être là. J’arrive à Brest à 18h05. Jacky et Nicole me rejoindront 15 mn plus tard.J’y resterai 2 heures, le temps de récupérer, de négocier une douche avec les bénévoles qui étaient sur le point de fermer, de changer ma tenue (pour revenir avec celle de mon cher club) et de manger un peu. Jacky m’appends que J-P a abandonné, suite à une erreur monumentale. Après Canihuel, il a repris la route vers Paris sans s’en rendre compte… Terrible coup du sort. Je décide de ne pas me reposer là mais de repartir au plus tôt, pour affronter cette 3 ème nuit en bénéficiant encore de la lumière du soir et absorber les premiers contreforts redoutables.

Je repars donc à 20h30 vers Carhaix : après la magnifique traversée au dessus de la baie, il faut remonter une bosse interminable, heureusement que j’ai encore des jambes. Philippe arrivera à Brest peu après. Il n’y a « que » 93km pour joindre Carhaix, mais assurément les plus durs avec ceux pour rejoindre ensuite Loudéac. Nouveau contrôle secret à Pleyben. Il est minuit 20, le 23/08. En repartant, je rejoins un vélomobile qui n’ a pas pu pointer, en raison d’une erreur de parcours…

J’arrive à Carhaix à 3h05. Je prends le temps de manger une barquette de pâtes au jambon et repars vers 3h30 pour Loudéac. Sans doute une des étapes les plus dures, 85km de bosses (une à 9%) avec plus de 1 000 D+ et le vent de face en prime…. Je zappe le ravito de Gouarec et arrive à Loudéac à 10h35. J’évite l’erreur de l’aller et pose directement mon matelas dans la salle à manger. Je n’ai pas le temps de m’endormir car les crampes me bloquent les deux jambes au niveau des adducteurs. Il faut que je me relève sinon je ne repartirai plus. Je me sature d’eau gazeuse et file vers Tinténiac, vent de face toujours. Il fait 30°C. Je suis rejoint sur la route par Alain Puret, venu ici en voisin et rouler quelques kilomètres jusqu’au contrôle. Un vrai pote, qui va me faire oublier un instant la chaleur ambiante. Trop fort ! Je suis pointé à Tinténiac à 17h09 où m’attendent également Jean-Pierre, Philippe, Jacky et Nicole.. Un vrai bol d’air frais les amis, pour une pause bienvenue.

En repartant, je me dis que si j’arrive à Fougères, il ne me restera plus « que » 200km et des poussières et que j’arriverai à finir. 61km avec 487 D+. J’y arrive à 21h11, en 4 heures donc, sauf que je mettrai bien 20 mn de plus pour trouver le lycée où se trouve le contrôle et je ne serai pas le seul dans le même cas… Je manque de sommeil et décide d’aller dormir au dortoir après avoir mangé. Ouf ! Pas de crampes cette fois. J’arrive à m’endormir. Un gars me réveille à minuit pour repartir et me propose de faire la route avec moi. OK dans le principe. Je suis dehors à l’attendre mais il fait la traduction en anglais pour je ne sais quoi pour un cyclo et ça dure. Du coup, je décide de partir seul pour cette dernière nuit, après avoir encore perdu un quart d’heure.

Nous sommes le 24/08. Jusqu’à présent, je n’avais pas encore chargé de parcours sur mon GPS par économie, soit que les pancartes me suffisaient de jour, soit que mes 2 compères avaient chargé eux-mêmes les étapes concernées . Mais cette fois-ci, il me fallait bien charger l’étape jusqu’à Villaines-La-Juhel, vu le peu de luminosité à minuit. Au premier giratoire, une pancarte de l’organisation indique d’aller tout droit, alors que la trace de mon GPS part à droite. J’opte pour la droite, pensant que la pancarte avait été déplacée. Erreur, fatigue ou les deux à la fois, je me retrouve sur la nationale 12, frotté par les vagues de camions… Trouver l’erreur tout en roulant, d’autant que je ne trouve pas d’autre fléchage. Je tourne et retourne la question pour comprendre enfin le problème. « A tous les coups, tu as chargé l’itinéraire des voitures d’assistance »… Vu le kilométrage déjà parcouru, je décide de continuer en croisant les doigts de ne pas avoir un contrôle secret sur le parcours. Je constaterai après coup que le tracé sortait de la Nationale 12 et cheminait à travers les routes secondaires, entre celle-ci et l’itinéraire officiel au Nord. Je n’en serai pas plus soulagé par le relief. Les pentes sont éprouvantes pour ne pas dire plus mais mon erreur me donne une forme de rage d’y arriver. Je m’arrête dans un faux plat et vide ma housse de selle pour voir sur ma feuille de route si à tout hasard je ne pourrais pas rejoindre rapidement l’itinéraire officiel. Peine perdue, autant que de temps. Pas un numéro de route qui correspond. Je suis bien isolé. Plus loin, les plaques de bitume sur la route commencent à danser et je prends conscience que je me retrouve complètement à gauche de la route. Les yeux ne suffisent plus. Il me faudra trois arrêts pour dormir et chasser ces hallucinations. Le dernier sera au bord de la N12 que je rejoins environ 2km avant Le Ribay. A ce croisement au bout de ce temps de solitude infini, je retrouve des bénévoles qui m’indiquent la route à prendre, tout surpris de me voir à contresens de l’itinéraire officiel ; enfin ! En mot d’excuse, je leur dis « Je crois que je me suis trompé sur la fin »… Pas d’arrêt café. Villaines-la Juhel n’est plus très loin.

Le reste du parcours est quasi anecdotique, si ce n’est que la trace de mon GPS me fera encore prendre un bout un peu dévié et retrouver plus tard les cyclos que j’avais un instant récupérés au Ribay.

J’arrive à Villlaines-La-Juhel le 24/08 à 7h10. Obligé de prendre un petit déjeuner et de faire une sieste sur la table. Je regrette beaucoup de ne pas avoir pu saluer Gilbert, venu la veille toute la journée pour espérer me voir. Un grand merci à lui, excellent rouleur, pour son soutien….

Je repars à 8h10 pour Mortagne-au-Perche mais de jour. Plus besoin de charger la trace. 81km et «seulement » 716m de D+, presqu’une misère. Il fait chaud. Les premières gouttes de pluie tombent à Alençon. J’hésite puis décide de m’arrêter à un bistrot pour prendre encore un café, pain au chocolat et croissant. Un peu extra-terrestre au bord du zinc. On discute un peu avec un client qui n’a pas la langue dans sa poche. Curieuse coïncidence, un cyclo allemand m’a précédé ici et y a oublié son téléphone. Le patron du bar lui laisse un mot sur le portable d’un de ses acolytes trouvé dans le répertoire ; il laisse mes coordonnées et j’embarque l’appareil oublié pour Rambouillet. Chanceux le gars…

La dernière ascension sur Mortagne est salée et effectuée sous la flotte. Philippe m’attend près de l’aire de contrôle, génial. Je valide mon heure d’arrivée à 13h. Philippe me ravitaille en sandwichs et boissons. Ça fait vraiment du bien de le revoir. En 10 mn, je tremble de froid sous l’effet de la pluie. Je remets un collant fin, change de tricot de peau, enfile un maillot à manches longues et un vêtement de pluie. 10mn de sieste dans le trafic et je repars. Philippe de son côté me retrouvera à Rambouillet.

Au pied de la première descente après Mortagne, la pluie a cessé et la chaleur est de nouveau très présente. Je dois enlever tout ce que j’avais mis…

Il y a 78km jusqu’à Dreux pour 640m D+. Mais au 5ème km, il faut monter à 7% puis au 15ème à 9%, puis au 25ème à 8%, où la remontée sur le plateau dure plus d’ 1,5 km. Je double des gars qui ont mis pied à terre… pour enfin entamer un profil descendant jusqu’à Dreux. Je pointe sur place à 18h22. J’ai droit à mon petit comité d’accueil, en la personne de ma fille Marie-Anne, Wilfried son compagnon et mes deux petites-filles Thelma et Thalia, venus ici presqu’en voisins. Petits pains au poulet, au thon, canettes de coca me refont une santé, d’autant qu’il n’y a plus rien sur le site. Choyé, je perds forcément un peu de temps mais ça n’est que du bonheur et ça commence vraiment à sentir l’écurie…

Je repars pour la destination finale avec un groupe de 3 cyclos dont un canadien. Je les accompagne par politesse sur un dizaine de kilomètre à une allure trop relaxe. Je leur explique que je suis attendu à l’arrivée et nous nous quittons bons amis. Tellement motivé d’aller au bout, je termine la traversée de la forêt de Rambouillet à 30km/h. Il est temps d’arriver car je ne peux plus passer sur le grand plateau qu’en descendant sur les deux derniers pignons. Enfin les grilles du château puis la route de la Grille de Versailles.

Dernier virage à gauche et là, grosse émotion au bout de la ligne droite. Les clameurs et vivas s’amplifient ; je suis accueilli par les amis et proches qui m’ont suivi de bout en bout. Sylvie et Gilles, Marie-Christine, Mylène, Marie-Anne, Thelma, Thalia, Jean-Pierre qui est resté pour la circonstance – merci à toi l’ami- Phiphi qui m’aide à descendre tant bien que mal de mon vélo, et enfin Thierry, mon complice de toujours sur les grandes distances, avec qui nous avons scellé notre amitié sur la Diagonale des fous. Quelle émotion me monte des pieds à la tête! Devant cette joie, un responsable de l’audax parisien vient me prendre lui-même mon carnet de route pour y apposer le dernier tampon et me remettre la médaille de l’arrivée. Il est 21h15. Je suis heureux et fier d’avoir fini, même 6h45 au delà de la limite.

Je pense alors à toutes celles et ceux qui m’ont encouragé à distance sur ce parcours, à commencer par Marie-Christine, ma belle famille et ma famille et de fidèles amies et amis parmi lesquels ceux de mon club : le CCLM. Je les remercie sincèrement de toutes leurs attentions en leur témoignant une belle reconnaissance. Merci à Jacky et à Nicole, qui nous ont assisté tout au long du parcours, à Michel, qui nou a encouragé au départ, à Alain, pour son accompagnement sur la route, à Pierre pour son aide matérielle précieuse. Je n’oublie pas mes compagnons de route Philippe (qui m’a embarqué dans cette aventure) et Jean-Pierre. Je les félicite pour leur parcours car ils n’ont pas du tout démérité et auraient fini s’ils avaient pu comme moi bénéficier d’un petit coup de pouce (et de pousse) du destin…

C’est vraiment une belle aventure que ce Paris-Brest-Paris. J’ai un peu de mal à redescendre de mon nuage… 1218 km avec 12000 D+, ça pique un peu. Mais j’avais heureusement une énorme musette d’encouragements et de bons mots qui m’accompagnaient et m’interdisaient d’abandonner. Une vraie poussette. Et quelle ambiance tout au long du parcours !

Je ne m’attendais pas à une telle ferveur: des villages décorés avec plein de slogans, sans compter les nombreux stands improvisés, même en rase campagne, par des gens installés là derrière une table de camping, pour les 4 jours que dure cet événement. Une fois, je me suis arrêté pour un bambin de 6/7 ans, avec sa soeur et sa mère, qui me tendait à bout de bras une petite bouteille d’eau, avec une telle insistance qu’il m’était impossible de refuser. « C’est bien parce que c’est toi » lui ai-je adressé en guise de bonjour. Il se prénommait Dylan. Je lui ai offert en retour une de mes barres en nougat. « Avec ça, tu vas être un vrai sportif ». Entre l’incrédulité et la gourmandise et avec l’accord de maman, il est vite retourné le partager avec sa soeur. Trop mignon !

On s’habitue vite et facilement à ces « Allez! Courage! ». Et même plus. Tenez, une autre fois en quittant Brest à 20h30, alors que je n’avais réussi qu’à arracher une douche auprès des organisateurs qui étaient en train de tout fermer, plus de quoi manger jusqu’au point de contrôle à Carheix à 80km. Et après 21h en haut des côtes, les boulangeries ouvertes n’étaient plus légion… Mais les spectateurs étaient toujours présents. A tout hasard, allez savoir pourquoi, je me décide, embarrassé à en accoster un tout seul sur le trottoir. « Bonsoir Monsieur; ça me gêne de vous demander cela mais seriez-vous prêt à me rendre un service svp?… Pourriez-vous me dépanner d’un morceau de pain et d’un bout de jambon ou équivalent? » Et de lui expliquer la situation. Il m’a emmené tout de suite à sa maison où sa femme m’a préparé 2 sandwichs. J’ai poliment décliné le rosé et la bière au profit d’un coca-cola (un gros sacrifice). L’ancien compétiteur cycliste, vite à « tu et à toi » était trop content de m’apporter concrètement son chaleureux soutien. Je leur ai demandé leur adresse pour leur envoyer une carte en rentrant. Il m’a raccompagné en vélo au bord de la route. Voilà encore une des raisons pour lesquelles je ne suis pas rentré dans les délais; mais c’est vraiment sans regret.

Cette randonnée tous les 4 ans est exceptionnelle d’émotions et de belles rencontres. Et vous lire lors des pauses a sincèrement été bienvenu et tellement rafraîchissant. Voilà pour la tonalité de cette escapade qui va me laisser un très beau souvenir. Encore merci à toutes et tous.

Sans oublier l’anecdote de fin : mon généreux spectateur s’appelait « Leboulanger ». Pas étonnant qu’il ait voulu partager son pain. Il a reçu en retour toute ma bénédiction.